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Accord franco-haïtien de gestion concertée des flux migratoires :

Massives reconductions d’Haïtiens de France vers Haïti en perspective

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mardi 9 juin 2009, par PAFHA


Paris, le 4 juin 2009

Madame, Monsieur,

Migrants outre-mer (Mom) est un collectif de 13 associations françaises engagées dans la défense des droits des migrants dans les territoires et départements d’outre-mer de la France. Mom est préoccupé par la négociation en cours d’un accord de réadmission vers Haïti de migrants haïtiens résidant en France en situation irrégulière. La signature d’un tel accord aura des conséquences dramatiques tant pour les Haïtiens résidant en France sans titre de séjour (dont le renvoi vers Haïti sera facilité et accéléré) que pour leurs parents recevant en Haïti les transferts d’argent.

Avec le soutien de la Plate-Forme des Associations Franco-haïtienne (PAFHA) et l’Union des associations latino-américaines en France , Mom souhaite sensibiliser la société civile haïtienne aux enjeux d’un tel accord que le gouvernement français veut conclure en 2009, comme prévu par le document cadre de partenariat France-Haïti 2008-2012 (chapitre « Immigration et codéveloppement »).

L’ambassade de France communique largement sur l’aide au développement qu’elle apporte à Haïti, mais sans dire que la contrepartie de cette aide est la lutte contre l’immigration irrégulière et la signature d’un accord de gestion concertée des flux migratoires (dit « de réadmission »).

La France a déjà signé ce type d’accord, sous des terminologies diverses, avec le Gabon, la Tunisie, la République du Congo, le Bénin, le Sénégal, le Cap Vert, Saint-Lucie, la Dominique, le Brésil, le Surinam, etc. Elle négocie actuellement avec Haïti, le Cameroun, les Philippines et le Mali.

Les accords de gestion « concertée » des flux migratoires comprennent 3 volets :

• Le 1er sur les possibilités de « migration légale » (délivrance de visas : ainsi, les Saint-Luciens et les Dominiquais sont exemptés de visa pour un séjour touristique de 15 jours maximum par an dans les départements français d’Amérique), octroie des titres de séjour temporaires principalement pour des motifs professionnels, dont la carte « compétences et talents », avec un quota de cartes par an (150 pour le Congo et le Bénin, 1500 pour la Tunisie).

• Le 2ème sur la lutte contre l’immigration irrégulière, avec des clauses par lesquelles les Etats s’engagent à réadmettre leurs propres ressortissants en situation irrégulière voire, pour certains (Congo, Bénin), prévoit d’interdire l’entrée sur le territoire d’un pays européen des ressortissants de pays tiers ayant simplement transité par leur territoire.

• Le 3ème volet concerne le co-développement dont les montants investis dans des microprojets sont largement inférieurs aux transferts envoyés par les migrants à leurs familles.

Ces accords sont particulièrement inéquitables, car ils prétendent distribuer de faibles montants d’aide au « codeveloppement » et seulement quelques visas aux jeunes diplômés en échange du durcissement de lutte contre l’immigration irrégulière et le renvoi (ou réadmission) des migrants sans autorisation de séjour dans leur pays d’origine.

L’Italie et l’Espagne ont déjà passé des accords de ce type avec la Libye, la Tunisie et l’Egypte (pour l’Italie) et avec des pays de l’Afrique subsaharienne (pour l’Espagne dans le cadre de son « plan Afrique »). Sur cette base, des renvois massifs ont été opérés dans des conditions dénoncées par des ONG de défense des droits de l’homme et des réseaux associatifs comme Migreurop . En 2008, Amnesty international a rendu public un rapport pour médiatiser la situation dramatique de migrants renvoyés depuis l’Espagne vers la Mauritanie, en exécution d’un accord de réadmission signé en 2003 . A cette occasion, Amnesty a fait état de pratiques de détention prolongée, de mauvais traitements, d’absence de procédure équitable du droit d’asile, de renvoi des mineurs isolés, etc.

En 2007, la France a reconduit à la frontière plus de 50 000 migrants. La moitié de ces expulsions a eu lieu à partir des départements et territoires d’outre-mer. Or, les Haïtiens résidant en France sont principalement établis en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin. Sur le million d’habitants des départements français d’Amérique (DFA), 38% des étrangers en situation régulière sont Haïtiens et les sans-papiers sont évalués à 57 000 personnes. A défaut de chiffres exacts, on peut évaluer à 21 000 au moins les Haïtiens en situation irrégulière dans les DFA. Toujours en 2007, 67% des individus expulsés de Guadeloupe étaient de nationalité haïtienne .

Aussi, la signature entre la France et Haïti d’un accord de réadmission ne peut qu’accroître davantage le nombre d’Haïtiens expulsés, rendant plus difficile la vie de leurs familles tant dans les DAF qu’en Haïti.

Il est donc urgent que l’ambassade de France et le gouvernement d’Haïti rendent publique les négociations de l’accord qui, sous prétexte du codéveloppement, va précariser la vie de nombreuses familles. Pour ce faire, il est impérieux que les sociétés civiles haïtienne et française se mobilisent ensemble pour empêcher la signature d’un tel accord. Elles peuvent interroger les gouvernements français et haïtien pour les mettre face à leurs responsabilités et informer la population du gâchis humain qu’impliquent les expulsions de migrants. Rappelons-nous que grâce à une telle mobilisation, les sociétés civiles malienne et française ont pu faire obstacle jusqu’à ce jour à la signature de l’accord franco-malien.

Mom, dont le Collectif Haïti de France fait partie, la PAFHA et l’Union des associations latino-américaines en France invitent donc la société civile haïtienne à se mobiliser contre la signature de l’accord de réadmission France-Haïti, à questionner les autorités haïtiennes et à rester en contact via le Collectif Haïti de France : contact@collectif-haiti.org.

Migrants outre-mer (www.migrantsoutremer.org) Plate Forme des Associations Franco-haïtienne (http://haitiensenfrance.online.fr ) Union d’Associations Latino-américaines en France (www.unionlatinos.org )